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"Cannibales" en poche aux éditions Le Fennec, Maroc


Voici la nouvelle couverture de "Cannibales" à l'occasion de sa sortie en poche aux éditions Le Fennec, Maroc.

Couverture de "Cannibales" Edition Le Fennec, Poche Maroc

CANNIBALES

Une nuit, près de Tanger, une petite troupe attend le moment opportun pour embarquer avec un passeur : Azzouz, le narrateur, et son cousin Réda, une jeune femme et son bébé, un Algérien rescapé d'une tuerie, Youssef, et deux Maliens. Tous unis par la force obstinée d'une même quête:: extorquer au destin une vie nouvelle, une deuxième chance. Une attente ponctuée de retours en arrière, de récits d'épisodes vécus par les uns et les autres, de portraits et de silhouettes pathétiques : Morad, le rabatteur" a vécu longtemps en France et se glorifie de son titre d'"Expulsé européen" ; la jeune femme veut rejoindre son mari qui travaille en France et ne donne plus de nouvelles. Azzouz, lui a bénéficié d'un enseignement classique grâce à des religieuses, mais la mort de sa protectrice a brisé net ses élans ; quant à son cousin Réda, il a réussi à s'enfuir de l'organisation des mendiants dans laquelle il avait été recruté et où son frère manchot a préféré rester.Dans ce récit où s'entremêlent tendresse, humour et cruauté, se dessine le destin tragique d'une humanité cannibalisée. Mahi Binebine, né au Maroc, est peintre et romancier."

FAYARD 1999

Autres éditions:

Haymon Verlag (Austria)

Lenos (Switzerland / Germany)

Atlas (Netherland)

Granta, (England)

Tin house (USA)

Akal (Spain)

Dialog (Pologne)

Le Fennec (Maroc)

Barbès (Italie).

En poche : Editions de l’Aube

Tragédie Clandestine

Le Monde. Le 17/19/1999)

La mer racontée aux enfants ne fait plus rêver. Elle devient mangeuse d'hommes quand la nuit est épaisse, faite d'illusion et de peur et qu'elle lâche sa chevelure pour venir au secours de ceux qui sont en train de se noyer parce que la barque est petite et les candidats à l'exil nombreux.

Le quatrième roman du Marocain Mahi Binebine évoque le destin brisé de ces hommes et femmes dont l'humanité a été tarie, confisquée par le besoin et le manque, réduits à être des ombres dans la nuit qui avance de manière chaotique, un peu au rythme de cette traversée.

Le thème est simple. L'histoire est brutale tout en étant - hélas - banale : une dizaine de personnages dont une femme et un bébé sont en quête d'une vie meilleure. Ils tentent, au risque de leur vie - une vie dont personne ne se soucie - la traversée du détroit de Gibraltar pour mettre les pieds sur le sol de cette Europe dont ils voient, à partir de Tanger, les lumières clignoter, comme si ce vague scintillement était un appel, signe de la dernière chance.

Comment écrire cette désespérance ? Mahi Binebine, qui est un grand peintre (le Musée Guggenheim de New York vient d'acquérir quelques-unes de ses oeuvres), écrit comme il peint, avec sobriété et gravité. Il n'insiste pas, choisit l'ellipse et les mots justes. Comme dans ses toiles, on devine les personnages, ce sont des ombres que le lecteur habille de ses propres émotions. Cannibales n'est pas un roman qui vous fera rêver, au contraire, il vous parlera simplement de la souffrance sans jamais tomber dans la sensiblerie.

De ces personnages au destin brisé, il en est un qui marque le roman. Il ne fait pas partie du voyage puisqu'il est né d'un rêve ou plus précisément d'un cauchemar que raconte Morad, le rabatteur, celui que le narrateur appelle « l'Expulsé européen », car c'est un ancien immigré converti dans le transport clandestin. Il narre l'histoire de Momo, son double, qui travaillait à Paris dans le restaurant de M. José. Ce dernier aimait manger de la chair humaine. Il commençait par un orteil de Momo. Celui-ci voyait sa condition d'employé s'améliorer au fur et à mesure qu'il cédait une partie de son corps. Il se laissait manger et trouvait cela presque normal puisqu'il était chaque fois récompensé. Il ne restera de Momo que la tête aux cheveux crépus : elle sera posée sur un oreiller de plume recouvert de velours grenat, près de la caisse. Immangeable, la tête sera jetée à la poubelle. Morad se réveillera au moment où la machine à broyer allait s'emparer de sa propre tête.

Cet épisode donne son titre et son sens au roman. N'a-t-on pas vu récemment une famille italienne offrir certains de ses organes en échange de dettes qu'elle ne pouvait pas rembourser ? Ces hommes et ces femmes qui, chaque nuit, prennent place dans des barques douteuses, sont prêts à tout donner, même leur corps, leur vie, pour ne plus subir l'humiliation de la misère.

Chacun a une histoire qui l'a mené jusqu'à cette barque de malheur : Kacem l'Algérien a fui son pays après avoir perdu ses enfants, égorgés dans leur sommeil ; Nouara espère retrouver son mari Souleyman parti alors qu'elle était enceinte ; Réda, le cousin du narrateur Azzouz, est un ancien mendiant qui, avec son frère jumeau et manchot, travaillait pour le compte de Sidi Magdoul ; Pafadnam et Yarcé, deux Maliens qui n'avaient plus rien à perdre ; Youssef, berbère, aîné de cinq enfants, a vu toute sa famille décimée pour avoir mangé de la farine que le père avait volée, une farine mélangée à de la mort-aux-rats, mais le bougre n'en savait rien. Cela est arrivé cet hiver à Marrakech. La presse marocaine en a parlé. Mahi Binebine l'a utilisé dans le roman. La mort sera au rendez-vous. Elle épargnera ceux qui, à cause d'une grosse vague, n'ont pas pu monter dans la barque. Azzouz et son cousin apprendront par hasard, en regardant la télévision, que des corps gonflés d'eau ont été ramassés sur les sables d'Almeria. Mais tous les noyés se ressemblent.

Cannibales est un hommage émouvant à ceux dont on brûle l'identité, et qui meurent oubliés, sans visage, sans nom, sans mémoire. Ce sont les nouveaux damnés de la terre qui viendront hanter le sommeil de ces passeurs, brûleurs de vie et d'espoir.

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