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"Pollens" en Poche, aux éditions Le Fennec, Maroc


Voici la nouvelle couverture de "Pollens" à l'occasion de sa sortie en poche aux éditions Le Fennec, Maroc.

Couverture de "Pollens" éditions Le Fennec, Maroc.

POLLENS

- Et ce grain magique, où se trouve-t-il donc ?

- Il est sur la terre et dans le ciel. Visible et transparent à la fois. Il brûle dans les lanternes et tapisse le fond des puits. Un feu follet dans le jardin de l'oubli. Il est la vie, mes enfants, simplement la vie dans toute sa fragilité...

Pierre et Sonia fuient les frimas de l'Hexagone en direction du grand Sud. Ils aboutissent au coeur du Rif dans un village de montagne, au milieu des champs de chanvre, où la route de quelques vieux hippies s'est interrompue. L'atmosphère saturée de grains sournois entraîne nos amoureux dans le monde vacillant d'un métronome affolé. Mahi Binebine, né au Maroc, est peintre et romancier.

FAYARD 2001

Prix de l’Amitié franco-arabe)

Atlas (Netherland)

Le Fennec (Maroc)

LIGNE BLEUE DU RIF

Par José GARÇON — Libération le 4 octobre 2001

L'errance d'un jeune homme qui fuit les Vosges pour le Maroc en quête d'un bonheur qui tourne à la folie.

«Je ne suis pas fou», dit Pierrot d'entrée de jeu. Et cette phrase donne déjà le sens d'une histoire qui pourrait être si banale: 20 ans et l'envie de partir loin de ce trou nommé Guebwiller, écrasé dans la grisaille de l'Est. «Fuir nos familles, le froid qui ne nous quittait jamais, les petits espaces, les volets et les visages clos [...] Etre ailleurs, à jamais étrangers.» «Ailleurs», ce sera Kétama, village des montagnes du Rif marocain, «terre aride et de détresse» avec laquelle Pierrot va «faire corps» jusqu'à la vouloir sépulture. Kétama noyé dans les vapeurs du kif et dans la lumière indicible des pays du nord de l'Afrique qui est déjà sérénité. Kétama, un monde inconnu mais pas sans écho pour Pierrot car proche de celui de ce père kabyle mort à 50 ans et si peu intégré à Guebwiller, si seul à côté d'une mère refusant la culture de l'Autre. Kétama ou l'impossible retour sur les lieux du père.

«Non je ne suis pas fou», répète Pierrot. Et déjà, l'histoire bascule au point de faire pressentir, sans que rien jamais ne soit dit explicitement, que le rêve sera tourment. Comme si chaque mot criant l'espoir était annonciateur du malheur à venir.

Pollens, à l'inverse de ce titre banal, est une errance dans le songe, le fantastique où une passion presque prétexte ­ celle de Pierrot pour Sonia ­ se transforme en un conte métaphysique qui glisse perpétuellement entre réel et folie. Loin de la légèreté d'un début de roman dans lequel on entre presque distraitement avant de se retrouver happé dans un Maroc profond jamais décrit, mais jusqu'ici jamais mieux rendu. Quelques portraits suffisent à camper un pays des petites gens face au maghzen, cette administration toute puissante qui quadrille le territoire. A Kétama, le seul nom de celui qui l'incarne, «le seigneur Moussa», inspire peur et dévotion obligée. Sa cruauté a rendu Pierrot borgne. Et la métaphore donne la dimension de Tristan et Iseult à l'affrontement du héros, mû par son amour pour Sonia ­ sa folie? ­ avec «seigneur Moussa». Comme elle transforme «M. le ministre» en héros positif face à un maghzen qui organise sa déchéance par l'humiliation publique d'un paquet jeté à ses pieds: sa fille «rendue» au soir de ses noces avec ces mots qui tuent «non vierge». «Je ne suis pas fou, simplement impuissant comme la plupart des gens qui vivent dans ce pays», dit encore Pierrot dans sa quête éperdue qui le conduit, inexorablement, au bout d'une désespérance et d'un délire devenus destin.

Mais la force de ce roman qui ne vous lâche plus, c'est aussi son ton contenu bannissant lyrisme et exotisme pour rester toujours en deçà du drame qui se joue. Comme un parti pris de banalisation de la souffrance sans laquelle survivre serait impossible dans ces contrées. Pour l'auteur, Mahi Binebine, qui est aussi l'un des grands peintres de sa génération, ce parti pris est la moindre des politesses. «Ça passe mieux, lâche-t-il, quand on ne jette pas la misère à la tête des gens. C'est comme mes tableaux: je fais des masques terribles, mais avec de jolies couleurs!»

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